Yaoundé 13 MAR 2018
![NKOMETOU]()
CARLOS LAORDEN
Il y a quelques années, Jean Onana et ses voisins ont créé une coopérative pour conjuguer leurs efforts et tirer le plus grand profit possible de leurs plantations de maïs et de cacao. À Obala, une ville située à 50 kilomètres (quelques deux heures en voitures sur des routes cahoteuses de terre rouge) de Yaoundé, la capitale du Cameroun, la plupart d'entre eux se consacre à ces cultures.
Ici, comme dans une grande partie de ce pays d'Afrique centrale, la vente de fruits n'est qu'un simple complément de l'activité principale. Mais chaque fois que Jean Onana se rendait au marché et qu'il voyait le prix payé pour les fruits, son regard s'illuminait. “C'est la nuit et le jour entre le prix du maïs et celui de l'orange”, compare-t-il.
Selon la FAO (l'agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture), la demande mondiale des fruits et précisément celles des fruits tropicaux, connait une croissance vertigineuse à mesure qu'augmente le revenu des pays comme l'Inde ou le Brésil.
Pourtant, dans des pays comme le Cameroun, éminemment agricole et disposant de conditions idéales pour ces cultures, la production n'atteint toujours pas les niveaux qui permettent leur exportation.
Après environ 15 minutes à se frayer un chemin entre tout type de végétation, Jean Onana et ses voisins arrivent dans une clairière au milieu d'un terrain escarpé et arboré qui entoure leur village. En tout, ce sont quelques deux hectares dégagés et parsemés d’environ 300 arbres fruitiers.
“Il faudra attendre au moins deux ans et demi avant de voir les résultats, mais les arbres vivront bien plus longtemps”, se félicite Onana, machette en main, en pensant aux mandarines, aux oranges et aux pamplemousses qu'ils obtiendront.
“Les arbres ont une durée de vie plus longue et causent moins de problèmes que le maïs”.
Lorsqu'ils ont appris que le gouvernement camerounais et la FAO voulaient lancer un projet pilote de chaine de valeur dans le secteur fruitier, les membres de cette coopérative (13 hommes et six femmes) se sont rendus dans les bureaux de l'organisation au centre de Yaoundé pour demander leur adhésion.
Comme onze autres coopératives et 55 producteurs individuels, ils ont été sélectionnés et ont reçu une formation, de l'assistance technique et des semences pour planter leurs arbres et avec le temps, commencer à inonder les marchés de leurs produits.
“On a choisi les plus motivés et les mieux organisés parmi ceux qui remplissaient les conditions”, explique Nathalie Malla, responsable nationale du projet.
La situation géographique d’Obala, avec une grande quantité d’eau souterraine s’avère idéale pour y planter des agrumes ou encore des mangues. Et par chance, ce n’est pas une exception dans ce pays.
En revenant vers Yaoundé, on passe par Nkometou II. Comme dans de nombreux tronçons de routes-chemins au Cameroun, sur cette voie d’accès à la capitale, se trouve un marché. Des comptoirs en bois, des baches et des pousse pousse s'entassent au bord de la rue. Au milieu de ce chaos, un petit édifice en béton commence peu à peu à fonctionner comme boutique de jus, confitures et de fruits secs.
“Tout est naturel, 100% naturel. Comme agent de conservation, on n’utilise que le citron”, indique fièrement Marcelline Tsala, parée d'un masque et un bonnet protecteur à l'arrière, où se trouve l'atelier.
Des pays comme le Cameroun, disposant de conditions idéales pour la culture des fruits tropicaux, ne les produisent pas encore à des niveaux qui permettent l’exportation.
Les membres de cette autre coopérative (48 femmes et 10 hommes ) ont été choisis pour le deuxième axe du programme, consistant en la transformation des fruits en produits de plus grande valeur ajoutée. Ils ont reçu le batiment, tôlé et remodelé, en concession pour une durée de cinq (5 ans) et tous les instruments (mélangeurs, mixeurs,fours de séchage…) pour mettre en marche un business de fruits transformés. Dans le passé, ils se consacraient à la culture de manioc et de pommes de terres et ils ont également reçu une formation sur la production de confitures, de jus entre autres.
Ici, ils ont des problèmes d'eau et pour garantir la qualité de ce qu'ils boivent, ils sont obligés de l'acheter. L’autre problème auquel ils font face est celui de la petite taille de leur entreprise, notamment en ce qui concerne l’achat des vases et des étiquettes.
“On exige que l'on achète 10.000 bouteilles chaque fois”, se plaint Tsala, la présidente du groupe. “On est donc très souvent obligés de les recycler”. Mais c'est désormais sans importance pour eux, selon ce qu'elle affirme. “Quand on va vendre nos produits ici ou dans des marchés à Yaoundé, ce sont les premiers qui finissent”, espère-t-elle en ouvrant une bouteille de jus de pastèque et un paquet de mangues séchées. Leurs familles et elles (et eux) consomment beaucoup de fruits ces derniers temps.
Pour l'instant, elles l'achètent dans des marchés non loin, mais elles envisagent de les produire elles-mêmes. “On veut obtenir le certificat qui nous permet de commencer à vendre dans des boutiques et continuer à nous développer”, explique Véronique Awana, une autre des femmes. Pour l'instant, leur production est artisanale et limitée en conséquence, mais elles croient que leur localisation à l'entrée de la capitale camerounaise est une grande opportunité.
Par ici passe une grande partie du commerce venant de la Centrafrique, à l'Est, en route pour Douala, le poumon économique du Cameroun et son centre d'exportations... “Lors d'une cérémonie à laquelle il a pris part, le président[Paul Biya, au pouvoir depuis 1982], m'a demandé des produits de fruits transformés: il était très intéressé”, indique une Awana émue.
Le fait que les fruits secs ou transformés en confiture se conservent plus longtemps représente une valeur ajoutée, même si les fruits frais atteignent une valeur d'exportation plus élevée selon le dernier rapport Perspectives de l'alimentation de la FAO.
L'histoire de ces deux coopératives s'accompagne de celle de nombreuses pépinières de semences de fruits réparties à travers le pays. Elles illustrent toutes, selon Malla, le potentiel de création de chaines de valeurs dans le secteur fruitier au Cameroun. “Il s'agit là d'un projet pilote et il est déjà dans sa phase finale. Il revient maintenant au gouvernement de décider s'il veut l'étendre et le faire se développer dans le pays”, indique-t-elle.
À Obala, dans une clairière de la forêt, Jean Onana nettoie avec soin un manguier. “Nous faisons ce que nous savons faire, mais sans aide et sans les semences, on n'aurait pas pu planter autant d'arbres”.
Ils consomment désormais le maïs qu'ils cultivent pour survivre, mais il pense que la vente des fruits leur rapportera beaucoup de revenus supplémentaires et leur épargnera davantage de maux de tête. “Les arbres vivent longtemps et causent beaucoup moins de problèmes. Ce verger constituera une assurance pour moi et ma famille ”.
Traduit de l'espagnol Par Guy Everard Mbarga