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Isaac Tamba « les infrastructures demeurent notre priorité jusqu’en 2019 »

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Directeur général de l’économie et de la programmation des investissements publics au Ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, cet universitaire revient sur la récente sortie d’un ouvrage sur le DCSE (Document de stratégie pour la croissance et l’emploi), feuille de route du gouvernement pour atteindre l’émergence à l’horizon 2035. Il reprécise, par ailleurs, les options prises par l’Etat camerounais pour atteindre cet objectif, en dépit d’un environnement économique mondial difficile.

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Investir au Cameroun : Monsieur le Directeur général, vous avez récemment assistéà la dédicace du livre intitulé « DSCE : comment atteindre une croissance à deux chiffres ? » Comment avez-vous accueilli ce livre ?

 

Isaac Tamba : Comme a dit le ministre de l’Economie, nous avons accueilli cet ouvrage avec beaucoup de satisfaction. Parce que toute œuvre, tout projet de recherche, toute contribution qui peut aller dans le sens de nous remettre en cause est toujours le bienvenu. Au Ministère de l’économie, nous sommes disposés àéchanger sur toutes les questions économiques. Lors de la dédicace du livre dont vous avez fait mention, le ministre a partagé avec l’assistance une partie de ses observations faites après la lecture de l’ouvrage. C’est donc une réaction de satisfaction, parce que de telles contributions ne sont pas monnaie courante dans notre environnement. Les réactions que nous avons habituellement viennent de nos partenaires techniques et financiers, tels que le FMI, la Banque mondiale, l’Union européenne ou l’AFD.

IC : Toujours en rapport avec ce livre, est-ce que vous reconnaissez qu’il y a des choses à changer dans le DSCE ?

 

IT : Je ne pense pas qu’il s’agisse de l’objectif visé dans le livre. Si vous avez bien lu cet ouvrage, il s’agit d’une évaluation partielle du DSCE. Il faut cependant noter que le DSCE est quelque chose de plus complexe que ce qui a été présenté. Le DCSE, c’est trois grandes dimensions. La première dimension, c’est la stratégie de croissance. La deuxième dimension, c’est la stratégie de l’emploi et la troisième dimension, c’est la gestion stratégique de l’Etat. Donc, ces trois grandes dimensions font un tout. En même temps, les objectifs du DSCE doivent s’entendre en termes de ses trois dimensions. Mais, les auteurs de l’ouvrage sont allés dans la première dimension et se sont concentrés sur les cinq axes qui structurent le volet croissance pour n’en étudier que deux, lesquels sont, de notre point de vue, secondaires. Il s’agit notamment de l’axe portant sur la modernisation de l’appareil de production. Même à ce niveau encore, c’était partiel. Et puis, il y a l’axe sur l’intégration régionale et la diversification des échanges. Voilà ce que je peux dire. Une fois de plus, je réitère que c’est une vue partielle et parcellaire du DSCE.

IC : Pour vous, qu’est-ce qui est le plus important aujourd’hui dans le DSCE ?

 

IT : Le DSCE met en corrélation la politique, la pensée et l’action ou la praxis, comme diraient les grecs. Le premier axe stratégique du volet croissance du DSCE porte sur les infrastructures, et ce n’est pas un fait anodin. Car, si nous avons atteint les niveaux de croissance qui font du Cameroun un pays résiliant, c’est grâce à cet axe sur les infrastructures. Pour tout vous dire, en 2017, les infrastructures représentent 67% du budget de l’Etat, et c’est la même proportion depuis 2010. C’est une option volontariste, délibérée du gouvernement camerounais d’aller dans le sens du développement des infrastructures pour combler les gaps que nous avons accusés pendant les deux décennies d’ajustement structurel. Sur la question de l’énergie qui est fondamentale, vous vous souvenez sans doute des délestages. C’est vrai que ce n’est pas encore totalement derrière nous, mais cela a connu des améliorations positives. Et c’est justement du fait de cette option volontariste du gouvernement camerounais soutenu par le Chef de l’Etat, d’investir dans les infrastructures. Nous aurions souhaité que l’action du gouvernement camerounais dans le développement des infrastructures fasse l’objet d’un regard extérieur pour nous dire si nous avons bien mené cette action. Cela nous aurait éventuellement permis de nous questionner dans la perspective des projets dits de deuxième génération, pour lesquels les réflexions sont déjà en cours au Ministère de l’économie. Parce que, ce dont il est question dans le premier axe stratégique, c’est les projets de première génération. Par conséquent, une critique constructive visant à nous renseigner sur les méthodes que nous avons utilisées, sur les choix sectoriels qui ont été les nôtres, sur les modes de financements que nous avons adoptés serait le bienvenu. Il faut déjà noter que nous avons fait une évaluation des projets dits de première génération. Nous avons répertorié nos forces et nos faiblesses et nous savons clairement où nous pouvons faire mieux.

IC : M. le Directeur général, l’ouvrage dont nous parlons remet en question le choix stratégique du « big push » par le gouvernement, qui consiste à investir dans tous les domaines en même temps pour pouvoir tirer la croissance...

IT : Il ne s’agit pas de la théorie du « big push ». Nous avons axé notre stratégie essentiellement sur les infrastructures. 67% des dépenses du budget d’investissement public 2017 sont consacrées aux infrastructures. La modernisation de l’appareil de production, qui est le deuxième axe stratégique du DSCE, vient avec moins de 9%. Les autres secteurs, comme il y en a sept dans le DSCE, ont pratiquement 2%. Vous voyez donc qu’il n’y a pas une dispersion, il y a plutôt une concentration des efforts vers un secteur qui nous semble critique : celui des infrastructures. Alors, c’est la raison pour laquelle je me suis posé la question de savoir quand les gens parlent du DSCE, est-ce qu’ils l’ont lu ? Est-ce qu’ils font une traduction entre ce qui est dans le DSCE et les réponses gouvernementales, qui se traduisent notamment en termes d’efforts budgétaires ?

IC : Avec toutes les crises que le Cameroun et la sous-région ont connu ces derniers temps, est-ce qu’il ne faut pas arrêter un moment de concentrer les efforts sur les infrastructures pour les orienter vers les secteurs prioritaires pour permettre d’atteindre d’ici 2020 les objectifs du DSCE ?

 

IT : Nous sommes en cohérence dans la poursuite de nos objectifs. Vous voyez, le Ministère de l’économie est le Ministère du secteur privé. J’insiste sur cette considération, afin que vous voyiez les orientations qui sont les nôtres. Depuis 2010, ce jusqu’en 2017, nous avons mis l’emphase sur les investissements publics. Rappelezvous que, quand nous lancions le DSCE en 2010, la part de l’investissement public dans le budget de l’Etat était d’environ 18%. Aujourd’hui, nous sommes à plus de 30%. C’est une option volontariste. L’Etat a pris l’option d’accélérer la croissance qui sera par la suite relayée par le secteur privé. Et pour que le secteur privé joue ce rôle, il faut créer les conditions idoines. Je ne veux pas revenir sur le climat des affaires. Vous savez que le classement du Cameroun dans le Doing Business n’a pas toujours été celui escompté, même si depuis 2016 on observe une certaine embellie. Cette embellie dépend, en partie, de ce que nous avons fait dans le domaine des infrastructures pour permettre au secteur privé de pouvoir s’exprimer librement. Nous nous sommes inspirés non seulement de la pensée, mais aussi et surtout des faits, notamment l’exemple des pays de l’Asie du Sud-Est, qui ont emprunté le même chemin que nous avons emprunté depuis 2010. Une voie qui, aujourd’hui, fait du Cameroun un pays enviable en termes de croissance.

Tenez, en 2017, la croissance économique dans la sous-région est projetée à environ 1%. Mais le Cameroun, malgré tout, est aux alentours de 4%. Quand on investit dans les barrages (Lom-Pangar, Mekin, Memve’élé, etc.), c’est pour mettre l’énergie à la disposition des entreprises privées, et faire en sorte que d’ici 2018/2019, il y ait des conditions permettant au secteur privé de s’exprimer normalement. Au Ministère de l’économie, nous sommes à l’écoute du secteur privé. Nous leur apportons notre appui, notre accompagnement. Nous allons même plus loin : le ministre de l’Economie a décidé de mettre en place une politique d’appui direct au secteur privé, afin de leur permettre de réaliser ce challenge. Donc, pour vous rassurer, les choix qui ont été faits au niveau du DSCE ne sont pas de la dispersion. Les infrastructures demeurent notre priorité jusqu’en 2019. Nous entrons dans une ère de programme avec nos principaux partenaires. Dans le cadre du dialogue politique avec ces partenaires, nous sommes assurés que cette option du gouvernement camerounais va demeurer intacte.

IC : La principale inquiétude autour du DCSE a toujours été la mobilisation des financements devant permettre de l’implémenter. Au moment où ces financementslà deviennent de plus en plus difficiles à obtenir, le Cameroun fait également face à d’autres phénomènes tels que Boko Haram, dont le combat induit d’importantes dépenses, la chute des prix des matières premières, ou encore l’entrée en vigueur des APE(accords de partenariat économique) avec l’Union européenne, qui a pour corollaire la baisse des recettes fiscalo-douanières. Est-ce que tout cet environnement n’impose pas qu’on revoie à la baisse les ambitions du gouvernement camerounais contenues dans le DSCE ?

IT : Le plan d’urgence triennal décidé par le Chef de l’Etat en 2014 était déjà une réponse d’ajustement du DSCE, afin de nous remettre sur le sentier initial. Nous sommes conscients des difficultés dans lesquelles nous sommes entrés depuis 2014. Nous savons que nous faisons face à des vents contraires, qui sont loin de s’estomper en 2017. Mais, je dois vous dire qu’en termes de financements, il y a des alternatives. A l’occasion des discussions en cours avec nos partenaires, nous avons reçu des garanties que le gap de financement enregistré depuis 2015 sera comblé entre 2017 et 2019. Nous aurons une bouffée d’oxygène. Par ailleurs, le dernier emprunt obligataire lancé par l’Etat a été sursouscrit. Chaque fois qu’on lance un emprunt obligataire, on enregistre toujours des souscriptions supérieures au montant demandé. Ce qui traduit qu’il y a de la liquidité. Il y a l’épargne nationale qui n’attend que les investissements pour s’exprimer. Une réflexion est en cours pour mieux valoriser cette épargne nationale. Nous travaillons avec le Ministère des finances pour voir comment donner vie à la bourse de valeurs mobilières de Douala. La sursouscription des emprunts obligataires nous prouve qu’il y a un levier que nous devons exploiter. Nous avons besoin des ressources de long terme et nous avons des Camerounais qui sont prêts à nous les offrir. Comme cela se fait ailleurs, pourquoi ne pas négocier avec eux pour qu’ils nous les donnent pour dix ans, afin de desserrer un peu nos contraintes du service de la dette ?

 

Interview réalisée par Brice R. Mbodiam

http://www.investiraucameroun.com/pdf/IC62.pdf


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