Qu’est-ce qui justifie votre séjour de plus de 72 heures dans la capitale régionale de l’Adamaoua ?
Nous avons décidé de faire cette mission avec le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Louis Paul Motaze, dans le cadre du suivi de l’accord sur l’annulation de la dette. L’année dernière, à l’occasion de la visite de notre président de la République au Cameroun, nous avons décidé d’affecter les ressources issues de l’annulation de la dette du Cameroun vis-à-vis de l’Italie, dans des secteurs et régions prioritaires.
L’Adamaoua est donc l’une des régions prioritaires dans le cadre de ce programme. Nous avons décidé ensemble de cibler les quatre régions les plus vulnérables du pays qui présentent des indicateurs de développement qui sont très faibles. Il s’agit de l’Extrême-Nord, du Nord, de l’Adamaoua et de l’Est. Ensemble également, nous avons décidé de cibler trois secteurs, mais en particulier deux secteurs pour ces quatre régions. Il y a l’éducation de base et la santé. Tout simplement parce que nous avons trouvé que ce sont des régions où il y a un besoin fort des services de base au bénéfice de la population. C’est pour cette raison que nous sommes tous tombés d’accord qu’il fallait absolument tout faire pour investir des ressources en faveur de cette population. Au mois de novembre dernier, nous avons effectué ensemble une première visite pour voir les premières réalisations faites dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord. Depuis, nous avons entamé cette deuxième mission dans la région de l’Est et de l’Adamaoua pour visiter les premières réalisations faites cette année. Ce programme est de trois ans et chaque année, il y a des infrastructures sociales (des centres de santé intégrés, des blocs de salles de classe) qui doivent être réalisées. Il y en aura d’autres qui seront réalisées en 2017 et 2018.
Peut-on savoir quel est le montant de la cagnotte en jeu ?
Après 2018, nous aurons encore des ressources de plus de 20 millions d’Euro (environ 13,19 milliards de Fcfa). Et je pense qu’on va continuer sur le même chemin, c’est-à-dire affecter des ressources pour les régions les plus faibles du point de vu de développement, et des interventions qui peuvent avoir un impact direct sur les populations. J’ai vu par exemple qu’il y a des problèmes d’eau. Il n’est donc pas exclu que pour les prochains programmes, qu’en dehors des blocs de salles de classe qui constituent la première priorité, l’eau continuera àêtre prioritaire. Car avec l’expansion démographique qu’il y a dans ces régions, on a tellement d’enfants dans les salles de classe. On verra dans les zones rurales s’il faut également investir dans l’électricité et je pense comme cela à l’énergie solaire par exemple.
Notre philosophie était de cibler les régions qui ont un taux de développement plus faible et des interventions qui touchent directement la population.
Pourquoi l’Italie choisit les secteurs de l’éducation et de la santé pour cet important investissement dans l’Adamaoua qui a pourtant un fort potentiel économique dans le domaine de l’élevage notamment ?
Ce sont les deux secteurs des services de base essentiels que les autorités doivent offrir à cette population. Si une population a la possibilité de se soigner et de s’éduquer, elle aura eu les bases pour les conditions préalables au développement.
Si quelqu’un est malade et qu’il ne peut pas se soigner ou un enfant ne peut aller à l’école parce qu’il n’y a pas de salle de classe, une communauté ne pourra jamais se développer. A notre avis, ces deux secteurs sont des points de départ.
Comment doit-on comprendre le déploiement de l’Italie qui intervient dans un contexte diplomatique concurrentiel au Cameroun marqué par les offensives des pays tels que la Chine, la Russie, la France, et les Etats-Unis d’Amérique dans la partie septentrionale du pays ?
La diplomatie d’abord n’est pas quelque chose de concurrentielle. Par définition, c’est l’art d’entretenir des relations avec tous les pays. Il n’y a pas de concurrents. Je ne vois pas un scénario concurrentiel dans la partie septentrionale du pays. En tout cas, si on parle du côté humanitaire, je pense que le niveau des besoins est tellement élevé qu’on a besoin, tous ensemble, d’unir nos forces pour essayer de faire des interventions au bénéfice des populations. Il ne s’agit pas seulement des réfugiés et des déplacés. Les communautés locales, qui vivaient déjà dans ces situations difficiles, sont elles aussi frappées par la crise. Donc, elles aussi en souffrent. Je crois que le plus important, c’est de coordonner les actions et que le point de coordination doit être le gouvernement. Il est en train de développer un plan de priorité et d’action qui est basé non seulement sur les actions sociales et humanitaires, mais aussi sur les activités économiques. Il faut identifier dans les régions, les activités économiques et voir comment on peut les accompagner. Une assistance humanitaire n’est pas durable. Il faut bien sûr le faire, mais il faut aussi voir à côté, si on peut effectivement relancer le développement dans ces régions. Nous soutenons cet effort là et c’est pour cette raison que nous sommes ensemble avec une délégation du gouvernement pour témoigner aux populations les actions qui sont menées. Le niveau de besoin est tellement élevé que nous ne sommes qu’au départ. J’espère qu’avec tous les partenaires que vous venez de citer, qu’on va tous ensemble avec le gouvernement, les autorités locales, essayer d’améliorer les conditions de vie des populations, des déplacés, mais aussi des communautés hôtes. Je parle de l’Extrême-Nord, de l’Adamaoua et de l’Est qui ont pris en charge les déplacés internes ou les réfugiés centrafricains.
Au terme de votre séjour dans la région de l’Adamaoua, êtes-vous satisfaite de la qualité des travaux que votre pays a financés ?
Particulièrement ici dans l’Adamaoua, oui ! Nous avons vu que même avec les petits moyens que les gens ont eus, ils ont vraiment essayé de faire le maximum. Nous avons inauguré beaucoup de salles de classes, nous avons vu des autorités locales très engagées, des populations qui sont encadrées et suivies, et des réalisations bien faites. Le ministre de l’Economie a lui-même soulevé le fait que l’Adamaoua est la meilleure région par rapport au taux d’exécution du budget d’investissement public. Cela confirme ce que j’ai dit, à savoir que les autorités locales sont bien engagées et que les populations sont encadrées. Le ministre a annoncé de nouvelles interventions destinées aux maires des localités visitées, avec pour objectif de répondre à leurs besoins. Si on fait bon usage des ressources qu’on reçoit, alors on mérite aussi d’en avoir plus. C’est au gouvernement d’affecter les ressources nécessaires même celles données par les partenaires, de les mettre véritablement à la disposition de la population. Je pense que c’est exactement ce qu’on a vu ici. Je peux déjà vous dire que, dans le cadre du programme humanitaire pour le bassin du Lac Tchad, nous allons mettre une enveloppe de 2,3 millions d’Euro. Nous comptons également apporter un appui lié aux activités, à l’impact direct sur les déplacés (constructions des écoles et des abris) dans un délai de 12 mois, une enveloppe de trois millions d’Euro.
SOURCE : L'OEIL DU SAHEL